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N°55 - Essai sur le pouvoir urbain

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Nous venons d’achever la lecture d’un ouvrage de Marc Huret, intitulé « Essai sur le pouvoir urbain », publié à l’Harmattan. Mais le sous-titre est sans doute encore plus éclairant :

 

«  Propos d’un urbaniste atterré, propositions d’un urbanisme citoyen »

Il s’agit réellement d’un essai « militant », « engagé », impliquant profondément son auteur, Marc Huret, un ami urbaniste avec lequel nous avons collaboré et qui s’est fortement impliqué dans la politique locale.

 

Nombre de passages nous ont fait « vibrer », tant nous partagions le constat, comme celui-ci (p.82) :

« Bâtiments isolés sur leur pré carré grillagé, zones spécialisées en tous genres, ce qui caractérise la promotion immobilière aujourd’hui, du moins en dehors des centres-villes, c’est la réticence, l’incapacité, le refus de mélanger les fonctions urbaines. Les villes n’imposent pas cette mixité aux promoteurs, du moins pas assez, juste un peu plus depuis une quinzaine d’années dans quelques endroits stratégiques où l’on commence à faire des projets urbains. De leur côté, les promoteurs se préoccupent surtout de mettre au point des produits spécialisés, conçus pour occuper seuls des terrains dédiés, indépendants de leur environnement ».

La description formulée page 91, quant à la situation du monde de l’Architecture – et de façon associée du Paysage – est malheureusement d’une parfaite exactitude (hormis, comme le souligne bien Marc Huret, pour une poignée d’architectes médiatiques) :

«  Les architectes ne sont pas une population professionnelle homogène. La grande majorité d’entre eux ont la vie profondément dure, bossent énormément pour peu de considération et de revenus ; ou bien n’arrivent pas du tout à bosser. J’ai côtoyé dans mon activité professionnelle beaucoup d’architectes travaillant dans des conditions iniques que peu de gens peuvent imaginer : des projets entiers à refaire quasiment gratis parce que le maître d’Ouvrage change de programme ; des paiements (de la part des promoteurs) sous conditions de résultats – c'est-à-dire après obtention du permis de construire ou même du financement – donc plusieurs mois, ou plus, après que le travail effectif ait été réalisé et si résultats il y a ; l’angoisse de rudes bagarres avec les entreprises, les bureaux d’études et les Maîtres d’Ouvrage sur des questions de responsabilité ; un boulot dingue pour participer à des concours ou des appels d’offre peu ou pas payés, parfois truqués… ».

 

Mais cet ouvrage n’est pas une litanie de critiques et de remarques sur l’évolution urbaine et les enjeux de pouvoir, même si elles sont vécues de l’intérieur et fort bien analysées. Au chapitre 8 (page 177), par exemple, Marc Huret émet un principe fort. Il pose quasiment un postulat que nous ne pouvons que partager avec force :

 

« A mon avis, l’amélioration de l’urbanisme est un objectif tout aussi social que l’amélioration de l’éducation ou le développement de la vie associative. Elle est même en un sens plus sociale, si elle est capable de donner de réelles perspectives aux habitants, adaptées à leur situations, choisies par eux, conçues dans leur intérêt, changeant la donne de leur quotidien ».

 

Ce n’est pas de l’utopie ! C’est un appel professionnel, nourri par le cœur et l’esprit,  pour opérer de réels et profonds changements ! L’ouvrage est aussi – et à juste titre – un pamphlet contre la grande distribution, dont les actions ont vidé les cœurs de ville et même les noyaux de quartiers de leur vie propre, de leur animation quotidienne, avec l’accord coupable d’élus qui n’ont absolument pas mesuré les conséquences et notamment la dégradation accélérée du concept d’urbanité :

 

« Les petits centres commerciaux dépérissent lentement, mais inexorablement. Finie la relative mixité urbaine. A la même époque (années 70), commence le tartinage des territoires – à l’orée des villes – par les lotissements de maisons destinées principalement à la clientèle des classes moyennes et des ouvriers qualifiés. Les catégories de population – les moins modestes des grands ensembles (d’après guerre) y émigrent. Finie la mixité sociale. …et les grands ensembles deviennent alors, selon une tendance continue, qui ne fait que s’amplifier de nos jours, le quartier-refuge de populations paupérisées et exclues… La ghettoïsation urbaine et sociale s’accompagne de plus en plus d’un repli identitaire marqué, avec souvent un développement, exponentiel dans certains quartiers, de comportements et trafics délictueux, voire mafieux » (page 179) ».

 

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