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N° 64- L'amour liquide n'a pas que des agréments

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"Une vie est une pluralité de trajectoires possibles"

 

Cette formalisation sur "L'amour liquide" nous interpelle et même ne peut que nous ravir, au niveau "créatif", dans cette curiosité permanente que nous devons cultiver face aux évènements, aux contraintes nouvelles, aux situations a priori "impossibles" à imaginer.

Tout l'art de notre métier de "paysagiste-concepteur" est bien d'utiliser cette capacité mentale d'accueil des évènements de la vie dans un sens positif, pour chacun de nos projets.

 

 

Phylosophie magazine N° 37 mars 2010

 

Zygmunt Bauman est un homme discret, au parcours étonnant: Juif polonais, il a vécu en Union soviétique avant d'émigrer en Angleterre, inventeur de la notion de "modernité liquide", ce sociologue passe au crible nos sociétés consuméristes et individualistes, où rien ne dure. La promesse de bonheur cédant la place à la peur et à l'insécurité.


Zyhmunt Bauman est, avec le sociologue allemand Ulrich Beck, l'analyste mondial sans doute le plus réputé de nos sociétés contemporaines. Avec deux particularités: la première est que, contrairement à Beck, il ne s'intéresse pas seulement aux grands problèmes politiques et sociaux, mais aussi aux petits phénomènes quotidiens, tels que le shopping ou l'amour; la seconde, c'est son parcours insolite. Né à Poznan, en Pologne, en 1925, Bauman a résidé en Union soviétique, après que sa famille, juive, y eut émigré en 1939, puis est revenu à Varsovie avec l'Armée rouge. Etudiant tardif, il occupe la chaire de sociologie de l'université de Varsovie. Communiste sincère, il proclame avec beaucoup d'avance la nécessité d'un "socialisme à visage humain". Puis il est écarté de l'université et, après plusieurs brimades, il émigre en 1968, en Israël puis à Leeds, en Angleterre, où il réside depuis 1971. Sa principale notion est celle de "modernité liquide", qu'il préfère à celle de "post-modernité", trop vague à ses yeux et qui fait comme si nous étions sortis de l'idéologie moderne. Indépendant d'esprit, il n'a pas bâti de système. C'est un commentateur de haute volée, dont l'ambition, comme il aime à le dire avec humour, est de "rendre claire combien notre situation ne l'est pas". Démonstration.

Philosophie magazine: Ce type d'entretien commence d'ordinaire par des questions d'ordre biographie. Je sais que vous n'aimez pas trop ces questions. Pourquoi?

Zygmunt Bauman: Je ne les aime pas trop parce qu'elles poussent, en général, à y répondre par des rationalisations a posteriori, à mettre rétrospectivement en ordre le passé du point de vue de la situation présente. Or toute vie est une pluralité de trajectoires possibles, dont le résultat final est certes le produit de décisions personnelles, mais aussi de circonstances, d'accidents externes. Parfois, nous nous amusons avec ma femme Janina à imaginer ce qu'aurait été notre vie s'il n'y avait pas eu Hitler et la guerre. Je n'aurais pas émigré avec mes parents en septembre 1939 en Union soviétique pour fuir les nazis après l'invasion de la Pologne. Je n'aurais pas non plus intégré l'armée polonaise formée en exil. Comme ma famille était pauvre et que l'université était soumise à un numerus clausus, sinon nullus, pour les Juifs, si j'étais resté en Pologne, j'aurais eu aussi peu de chance de faire une carrière académique. Et, probablement, je n'aurais jamais rencontré Janina non plus, et j'aurai encore moins pu me marier avec elle, car elle était issue d'un milieu très supérieur au mien et il y avait, à l'époque, une barrière de classe. Et ainsi de suite...

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